SÉRIE DE BOIS POLYCHROMES

Cette série s’est établie à partir d’une réflexion entre deux disciplines proches et éminemment complémentaires : la sculpture et la peinture.

 

         La peinture est habituellement perçue et à bien des raisons, surtout quant à l’approche de la couleur, comme plus abstraite, plus culturelle, d’un ordre secondaire ; tandis que la sculpture, dans l’approche du volume, plus tactile, se rangerait dans un ordre plus primaire. Pourtant le concret de  la gestualité est prégnant dans les deux disciplines, même si parfois la massette et le pinceau paraissent être très opposés. Quant à l’abstraction, elle est frappante dans la gestion de la couleur, mais d’une manière moins évidente peut-être, elle préside dans l‘organisation spatiale relative au volume.

 

         Ces disciplines se voisinent depuis des lustres, de l’antiquité où l’on badigeonnait aisément les statues de marbres blancs de Pôros, en passant par nos cathédrales qui étaient polychromes depuis le tympan jusqu’au mobilier statuaire, sans négliger la haute époque baroque, où abonda l’usage des deux disciplines en simultané. Il n’y eut guère que la  période allant du second empire jusqu’à nos années 1960, qui fut grise. A compter de cette date et ce jusqu‘à nos jours, fut réinventée la couleur associée au volume ; mais toutefois celle-ci teinta ou teinte des objets utilitaires et design et se dévoie sans nuance de tons, étant le plus souvent coulée dans des matières dites plastiques; L’art actuel dit contemporain en témoigne aussi abondamment comme l’art a aussi la fonction de reflet de sa contemporanéité. 

 

         Passées ces considérations ma perspective est toutefois plus ordinaire, ne sachant comment trouver formellement réponse à une interrogation :

- Que se passe t’il dans cette alchimie où les expressions de ces disciplines juxtaposées nous enchantent parfois ?

- Quid de ce qui nous retient, est-ce ici plus les oppositions colorées, est-ce là plus l’agencement des volumes ? 

 

         J’ai ainsi souhaité expérimenter ; et faire qu’une même main pose objectivement les choses, j‘ai l‘intuition qu’une réponse approchée nécessite de se déduire de ces humbles expérimentations.

         Une méthodologie a prévalu dans cette longue série de bois polychromes (allant de petits formats, à de plus grands qui ont nécessités des socles séparés, et conséquemment s’est élaboré un travail à part relatif à ces *socles, préoccupation qui d'ailleurs est constante dans toute ma production),  ainsi j’ai fait des choix de grammaire et de vocabulaire en dehors de l’idée de fond développée :

- Quant à la couleur, comme à la forme des bois proprement dit, j’ai choisi des codes se calant sur un style baroque haute époque.

- Pour ce qui est de la figuration, elle s’est orientée dans un ordre anthropomorphique, avec un net regard sur le féminin et la maternité.

- J’ai privilégié un espace largement spontané dans la naissance des formes et de la couleur, n’ayant que pour principe dans les partitions arbitraires réservées à  la polychromie, que de réserver dans la même proportion des segments délimités naturellement par les plans qui se coupent dans l’espace et ceux que j’ai tracés par le dessin sur les plans plus ou moins courbes préparés dans la sculpture.

-*Les socles des grands bois ont été d’un intérêt tout aussi grand et indissociables des œuvres elles-mêmes . Je les ai réfléchis pour qu’ils soient interchangeables et permettent de montrer les pièces dans des positions très différentes entre le vertical, l’incliné, l’horizontal et une variabilité d’une exposition à l’autre. L’ordre baroque s’y exprime avec quelques nuances actuelles ; entre autres, l’utilisation de miroirs, comme pour suggérer un regard plus subjectif, les fils de nylon permettant ce rappel dans la transparence mais aussi leur présence découpe l’espace d’une manière géométrique, en contrepoint de la prégnance des galbes des sculptures.

 

         Les perspectives de cette série sont vastes, les idées prolifèrent, suivent leurs cours et la jubilation se tient toujours présente.

         Il ne reste plus qu’à la partager davantage.

                                                 

         Pierre Kauffmann